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un aqueduc à Cazilhac

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A la sortie du Bousquet-d’Orb, en remontant la vallée de l’Orb vers Avène, on observe sur la droite le château de Cazilhac, puis un peu plus loin, on longe un ouvrage qui interpelle : une succession de 27 arches de pierres…


A quoi peut bien servir cette construction ?


Il s’agit d’un aqueduc, comme savaient si bien les construire les Romains pour apporter l’eau dans les villes nouvelles qu’ils édifiaient.


Celui de Cazilhac est plus récent. Voici son histoire…


En 1845 un professeur d’économie politique au collège de France, Michel Chevalier (1806-1879), se fait élire député dans l’Aveyron. La même année il épouse la fille d’un riche industriel drapier de Lodève, Emma Fournier de 17 ans sa cadette.


En 1851 il achète le château de Cazilhac avec ses beaux-frères René et Benjamin Fournier.


En 1853 il devient conseiller général du canton de Lunas, puis président de cette assemblée départementale. Il conservera cette fonction jusqu’en 1870.



 Michel Chevalier – Gravure de L. Monzies

 

Dès l’acquisition du domaine de Cazilhac, Michel Chevalier fit construire cet imposant aqueduc amenant l’eau de l’Orb au château, à raison de 150 litres par seconde permettant l’irrigation de toute la propriété.


Ce que l’on ignore souvent c’est le nom du constructeur de l’aqueduc… nous l’avons trouvé mentionné dans un compte-rendu des délibérations du Conseil général de 1859 :



Michel Chevalier a donc fait appel à cet entrepreneur de travaux publics. André Mialane, originaire de Lodève, s’était établi à Lunas depuis son mariage en 1850 avec Véronique Nouguier, fille d’un médecin lunassien.


Sa rencontre avec Michel Chevalier bouleversera la vie de cet artisan qui va devenir une figure locale importante.


Michel Chevalier, probablement satisfait des travaux de Mialane, gardera contact avec lui. Il lui suggérera de répondre à certains appels d’offre lancés par le Conseil général comme celui pour la création des 11 187 mètres de la Route Impériale numéro 9, entre Pégairolles et le Caylar. En septembre 1861, il obtient l’adjudication du marché.


Cette portion, particulièrement délicate, comprend le franchissement des contreforts du Larzac, là où n’existe alors qu’un chemin muletier entre les murailles de calcaire : le Pas de l’Escalette.


Le chantier concentrant toute l’activité de l’entreprise, le couple Mialane s’installe à Pégairolles où naîtront deux de leurs enfants. Au fur et à mesure de l’avancement des travaux, les fonds initialement prévus se révèlent nettement insuffisants face au coût réel.


Dans les archives du conseil général de 1864, on lit : L’entrepreneur des travaux de rectification de la partie de cette même route, comprise entre le Caylar et Pégairolles, qui s’est mis en avance pour une somme très considérable par suite de l’insuffisance non prévue des crédits annuels, a demandé et obtenu la résiliation de son marché. Il achève cependant, avec ses propres ressources la partie qu’il avait commencée et qui s’étend de Pégairolles au Pas de Escalette. C’est dans cette section, sauf 150 mètres du passage du Pas, que se trouvent les travaux les plus importants et les plus difficiles.


Ces travaux seront presque totalement interrompus en 1865. Bizarrement, en 1866, de la même source, on apprend que le sieur Mialane… qui avait obtenu la résiliation de son marché, a consenti à reprendre cette entreprise et il y a été autorisé par une décision ministérielle du 5 février 1866. Les travaux marchent avec activité et M. l’ingénieur en chef espère pouvoir livrer la route entière à la circulation dès le printemps prochain… la dépense totale de cette grande entreprise ne dépassera pas les prévisions.


Comment expliquer ce revirement de Mialane, sans augmentation du coût prévisionnel ?


C’est très probablement Michel Chevalier qui est venu aider Mialane en le mettant en relation avec un jeune chercheur suédois rencontré à Paris, Alfred Nobel.


Ce dernier s’intéressant aux explosifs, effectue des recherches pour rendre la nitroglycérine plus facilement utilisable en limitant son instabilité aux chocs. Mialane se rend dans une usine d’explosifs du Bas-Rhin, où Nobel fait ses mises au point. Il y apprend à fabriquer la nitroglycérine et, riche de son nouveau savoir et de ses acquisitions, reprend son chantier de l’Escalette.


Grâce à cet explosif, il termine les travaux dans les délais annoncés.




La brèche ouverte dans la falaise du Larzac par Mialane pour permettre le passage de la route !

 

Mialane restera en contact avec Nobel. Il participera à tous les projets que le scientifique développe en France et à l’étranger. En 1875 on le retrouve aux côtés de Nobel et de Barbe (polytechnicien, industriel) administrateur de la société générale pour la fabrication de la dynamite créée en 1875. En 1880, il investit dans la société dynamite Nobel regroupant les fabriques de Suisse et d’Italie, puis en 1887, dans la société centrale de dynamite, holding destiné à remplacer et regrouper les différentes fabriques d’Europe, d’Amérique latine et d’Afrique du Sud.


En 1877 il établit, à Lunas, un dépôt de dynamite et en devient représentant pour la région.


Mialane fera fortune avec cet explosif. Il l’utilisera pour creuser de nouvelles caves à Roquefort, où il créera sa propre marque de fromage avant d’intégrer en 1883 « Société ».


Mialane sut conseiller la bourgeoisie de Lunas en lui indiquant les placements les plus rentables dans les deux domaines où il était bien informé : dynamite et Roquefort.


Ne disait-on pas dans la région : « Sé a Lunas portan la levita (*) e lo capèl de chambord (**) es gràcia a la dinamita e al formatge de Rocafort ! » traduction : « Si, à Lunas, on porte la lévite(*) et le chapeau haut-de-forme c’est grâce à la dynamite et au fromage de Roquefort ! »


(*) lévite : redingote d’homme descendant à mi-mollet portée par les bourgeois au XIXe.

(**) chambord : nom donné au chapeau haut-de-forme.


On raconte même qu’il évita les déboires du scandale de Panama à ses riches amis en leur disant à temps de vendre leurs actions, au grand étonnement des banquiers biterrois qui les considéraient alors comme sûres…

 

Sources :

recherches de J & L Osouf pour les Amis de Lunas.

http://www.amisdelunas.fr/histoire-contemporaine/figures-lunassiennes/mialane/andre-mialane1.htm

Dominique de Lastours (2016) - Histoire de Cazilhac

auteur:

Jeannine et Lucien Osouf

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